Montréal

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L'assiette creuse a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec, car elle est associée aux caves situées sous les celliers du premier marché Sainte-Anne (1834-1844). L'objet offre également un bon exemple de vaisselle de table disponible au Québec au cours du deuxième quart du XIXe siècle. L'assiette présente aussi un intérêt en raison de son décor.

L'assiette creuse en terre cuite fine blanche est fabriquée à Hanley, à Stoke-on-Trent dans le Staffordshire en Angleterre entre 1832 et 1844. Une inscription située au centre de l'assiette indique qu'elle est produite par la firme Samuel and John Burton. Cette assiette creuse présente un décor imprimé composé de petites fleurs et de branches de type « Sheet Patterns », un motif populaire entre 1826 et 1842. Ce type de décor est caractérisé par la répétition d'un même motif sans orientation particulière qui rappelle le papier peint. Pour ce faire, ce motif est d'abord imprimé en grand nombre sur une feuille complète, puis chacun est découpé et placé sur la pièce sans effort de composition. Ces motifs, souvent floraux, peuvent être adaptés à n'importe quelle pièce céramique. Dans le cas de cette assiette, le décor est réalisé en vert sous glaçure. Cette couleur n'est possible sur les céramiques qu'à partir de la fin des années 1820. C'est à ce moment que les innovations technologiques permettent aux potiers anglais d'introduire une nouvelle palette de couleurs pour les décors peints et imprimés sous la glaçure des terres cuites fines. Celles-ci incluent dorénavant des couleurs issues d'oxydes de chrome comme le rouge, le vert et le jaune. Certaines fleurs du motif de cet objet sont rehaussées d'émail jaune, bleu et rouge sur couverte, aussi appelées « Overglaze Enamels » ou « Clobbering ». Cette technique décorative où de petites zones sont rehaussées de couleur se rencontre principalement sur des objets produits après 1840. Un surplus et un manque de glaçure sont perceptibles à certains endroits sur l'objet.

Les assiettes creuses sont utilisées pour la consommation d'aliments liquides ou semi-liquide lors des repas comme les potages ou les aliments en sauce tels les ragoûts. L'absence ou le peu de marques d'utilisation au centre de l'assiette suggère que l'objet n'a pas été utilisé, ou très peu. Des taches sont visibles sur la face et le dos de l'objet, probablement résultant de son séjour dans le sol.

L'assiette creuse a été mise au jour et 2011 et 2017 sur le site archéologique de la place D'Youville, à Montréal. À son inauguration en 1834, le marché Sainte-Anne offre en location plusieurs espaces. Le rez-de-chaussée loge des bouchers, des poissonniers et des vendeurs de volailles, alors que les portiques abritent des regrattiers ambulants. L'étage supérieur accueille des rassemblements ponctuels et des organisations diverses. L'étage inférieur est constitué de 28 celliers accessibles seulement de l'extérieur par des escaliers qui y descendent depuis la rue. Ce sont des espaces commerciaux loués à l'année ou au mois. En dix ans, ils hébergent des poissonniers et des vendeurs de denrées diverses, mais également de nombreux locataires éphémères de métiers et d'occupations variés, tels des cantiniers, des apothicaires et des artisans. Les archives judiciaires démontrent également que ces celliers abritent, à certaines occasions, des bordels et des débits de boisson illégaux.

L'assiette creuse provient de la cave des celliers de la section sud de l'aile est du premier marché Sainte-Anne (1834-1844). Sous les décombres du Parlement incendié le 25 avril 1849, plusieurs monticules de déchets ont été localisés par les archéologues le long des murs entre les piliers ou contreforts soutenant les planchers des celliers du marché. Ces monticules ont révélé une importante quantité d'artéfacts complets après remontage qui aurait été jetée dans les caves par les trappes des planchers avant 1844 ou 1849. Étant donné leur position stratigraphique et l'absence d'altération par le feu, ces artéfacts sont associés à la période d'occupation des celliers par divers locataires du premier marché.