Le sylvicole supérieur
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La culture matérielle du Sylvicole supérieur : Au-delà de la poterie, quelques objets du quotidien

Par Roland Tremblay

Dans le Nord-Est du continent, le Sylvicole supérieur est la période qui correspond essentiellement aux derniers siècles de l’histoire des Premières Nations avant que les Européens commencent à coloniser le territoire. Cet épisode culturel est défini par deux éléments particuliers. D’abord le premier terme, Sylvicole, fait référence, à la base, à la présence de la technologie céramique dans la culture matérielle des groupes, une introduction qui remonte à environ 3000 ans. Le second terme, supérieur, se limite aux six derniers siècles avant le XVIIe siècle, moment où l’on assiste à l’adoption d’une stratégie de subsistance basée sur la production alimentaire, soit l’horticulture du maïs, des courges et des haricots, et à l’avènement d’un mode de vie semi-sédentaire en agglomérations villageoises, le plus souvent palissadées. Dans cette section, nous nous consacrons à tous les aspects de la culture matérielle archéologique de cette période, à l’exception de la poterie, qui a été abordée dans la famille intitulée Céramiques du Sylvicole supérieur (1000 à 450 AA).

Si la poterie est un élément archéologique déterminant durant le Sylvicole supérieur, elle est loin d’être la seule à offrir un témoignage de la vie quotidienne. Des outils variés, des jeux, des éléments de parure et des pipes constituent d’autres objets qui ont été utilisés de diverses façons et dans différents contextes par les populations ayant vécu entre l’an 1000 et l’an 1600 de notre ère. Nous faisons surtout référence ici aux habitants du Québec méridional, notamment les Iroquoiens du Saint-Laurent et leurs ancêtres immédiats, qui occupaient la vallée du Saint-Laurent. Mais nous en profitons pour examiner également quelques cas provenant d’autres groupes présents tout autour, telles les populations de langues algonquiennes habitant les régions de l’Abitibi, de la Côte-Nord et de la Gaspésie. À la différence des groupes plus méridionaux, dont les Iroquoiens du Saint-Laurent, ces derniers avaient conservé un mode de vie nomade et avaient continué de baser leurs modes de subsistance sur la prédation.

La Collection archéologique de référence du Québec propose un échantillon non exhaustif de la culture matérielle en usage au cours du Sylvicole supérieur. Les pipes occupent une portion importante du corpus, car elles deviennent omniprésentes au cours de cette période, surtout chez les groupes horticulteurs de langues iroquoiennes. Elles ont une fonction importante dans les sphères sacrées et politiques, mais elles ont également un usage profane répandu, témoignant de la simple habitude du tabagisme. Généralement en céramique, parfois en pierre, cet instrument se présente sous une forme coudée, d’un seul tenant, sinon en deux pièces détachables dont il ne subsiste que la partie du fourneau, le tuyau étant le plus souvent en matière organique végétale, qui n’a pas été conservée. Ses variations morphologiques et décoratives permettent souvent d’en reconnaitre des types selon la forme générale des fourneaux, en plus de fournir l’occasion d’expressions figuratives sous forme d’effigies variées, souvent accolées au fourneau quand elles ne sont pas carrément intégrées à la forme de l’objet. Parmi les matières premières utilisées pour la confection d’objets, l’os, l’andouiller, les coquillages et les dents sont régulièrement représentés, fournissant des supports durs, résistants et relativement faciles à mettre en forme. On en fabrique des jeux (bilboquets), des parures (perles de colliers) et une grande gamme d’armes et d’outils. Ces derniers sont parfois faciles à reconnaitre (harpons, aiguilles, épilateurs, etc.), parfois moins, surtout lorsqu’ils sont fragmentaires. Il arrive aussi qu’ils soient spécifiques à certaines activités relevées dans les documents ethnohistoriques (tubes de chamanes, aiguilles à tatouer, etc.), fournissant parfois des indices sur des chapitres plus idéologiques ou rituels de la vie quotidienne. La contribution de la pierre à la culture matérielle de cette époque est illustrée à l’aide de certaines armatures d’armes de chasse (pointes), mais également d’autres outils communs (couteaux, grattoirs, haches, meules). Enfin, bien que plus rare, le cuivre natif, dont l’origine est lointaine, était utilisé pour la fabrication de certains objets, dont nous illustrons ici un exemple sous forme de lame de couteau.

Plusieurs de ces objets continueront d’exister dans la culture matérielle des Premières Nations après l’entrée en scène des Européens sur le territoire, parfois inchangés (pipes de pierre, aiguilles et épilateurs en os, etc.), parfois fabriqués dans des matériaux nouveaux apportés par les colonisateurs (pointes et poinçons en alliages cuivreux, haches en fer, perles de verre, etc.). D’autres objets disparaitront de l’usage (tubes de chamanes, décorateurs à poterie) avec les bouleversements qui modifieront le paysage culturel et les modes de vie.

Section de la maquette présentée à Pointe-à-Callière
Section de la maquette présentée à Pointe-à-Callière, cité d’archéologie et d’histoire de Montréal, qui représente un village iroquoien palissadé.
©Pointe-à-Callière, cité d’archéologie et d’histoire de Montréal. Photo : Hendrik Van Gijseghem 2020.
Assemblage d’artéfacts associés au Sylvicole supérieur
Assemblage d’artéfacts associés au Sylvicole supérieur.
©Pointe-à-Callière, cité d’archéologie et d’histoire de Montréal. Photo : Marie-Michelle Dionne 2020.