
La taille de la pierre : une technologie fondamentale
Patrick Eid et Antoine Guérette
Les artéfacts en pierre taillée sont omniprésents sur les sites préhistoriques du Québec et d'ailleurs pour de multiples raisons. D'abord la pierre est un matériau solide qui perdure dans le temps, puisqu'elle est épargnée de la corrosion et de la décomposition. À ce titre, elle est une des rares classes d'artéfacts, voire souvent la seule, préservée sur les sites d'occupations autochtones, surtout lorsque la céramique est absente des registres archéologiques. Dans un second temps, la taille de la pierre est une activité qui génère une très grande quantité de résidus (éclats, fragments, ratés de fabrication) que les archéologues retrouvent souvent par milliers en un même lieu. Enfin, la pierre est le matériau par excellence pour la fabrication de l'outillage des sociétés qui ne pratiquent pas la métallurgie. Même l'outillage en os ou en bois était généralement fabriqué à partir d'outils en pierre. L'industrie lithique était donc à la base du système technique des sociétés autochtones d'Amérique du Nord et un élément essentiel pour leur survie et leur épanouissement.
Cette famille d'artéfact regroupe ainsi diverses pièces associées aux différentes étapes de fabrication des outils en pierre taillée, ce qu'on appelle la « chaîne opératoire lithique ». Cette dernière débute par la collecte de la matière première qui se faisait à partir de gisements de pierres siliceuses disséminés sur le territoire. Ils constituaient ainsi des pôles d'attraction importants et c'est pourquoi on retrouve généralement de nombreux sites archéologiques en périphérie de ces sources lithiques. Les matériaux rencontrés étaient variés (chert, quartzite, cornéenne, quartz, calcédoine, etc.) et ils se présentaient sous différentes formes (blocs, plaquettes, galets, cristaux). Deux principales sources de pierre sont représentées dans cette collection virtuelle, soit : le quartzite de Mistassini, aussi appelé chert Albanel, (Eeyou Istchee Baie-James) et le chert de La Martre (Gaspésie). Un bloc brut de ce dernier matériau figure d'ailleurs dans la collection pour illustrer l'acquisition de cette matière première à la carrière.
Une fois les matériaux bruts acquis, le tailleur pouvait entamer le processus de taille qui commençait souvent par une étape de dégrossissage. Cela lui permettait d'abord de retirer les surfaces naturelles de la pierre, comme le cortex et les diaclases, pour ensuite ébaucher une forme générale qui mènera graduellement au produit fini désiré. Cette étape initiale est ici illustrée par divers objets, comme des ébauches bifaciales, des nucléus et des éclats issus des premières phases de production. Quant aux étapes intermédiaires et finales du processus de taille, elles sont illustrées principalement par des bifaces cassés en cours de fabrication (ratés de production) et par des éclats issus d'un travail de finition.
Enfin, cette collection compte plusieurs outils qui étaient utilisés par les tailleurs de pierre, à savoir des percuteurs et des retouchoirs. Les percuteurs sont tous en pierre, sauf un fait en bois de cervidé, alors que les retouchoirs sont tous en matières dures animales. Que ce soit par des techniques de percussion ou de pression, ces outils permettaient au tailleur de détacher des éclats de dimensions et de formes variées. C''est grâce à ces outils simples, à des méthodes de taille variées et à un savoir-faire souvent impressionnant que les tailleurs de pierre sont parvenus à confectionner la multitude d'outils lithiques mis au jour par l'archéologie (bifaces, couteaux, pointes de projectile, forets, grattoirs, racloirs, pièces esquillées, éclats retouchés, etc.).
Cette famille d'artéfacts montre des objets souvent difficiles à dater, car sans style spécifiquement associé à une période, et c'est alors seulement par le contexte archéologique qu'il devient possible de positionner dans le temps un bloc de pierre brut, un nucléus, une ébauche bifaciale, un éclat ou un percuteur. Les objets présentés dans cette collection occupent néanmoins une large fourchette chronologique allant du Paléoindien récent (10 000 à 8 000 AA) jusqu'au Sylvicole supérieur (1 000 à 450 AA). Ces artéfacts étaient des éléments courants à toutes les époques de la préhistoire et ils représentent bien cette technologie absolument fondamentale à toutes les sociétés prémétallurgiques.
Texte de présentation rédigé par Patrick Eid.Les artéfacts ont été documentés par Antoine Guérette avec la collaboration de Patrick Eid. ARTÉFACTS DE CETTE FAMILLE
Mathieu Dupuis, Pointe-à-Callière, avec l'aimable collaboration du Centre culturel de Mistissini.
Mathieu Dupuis, Pointe-à-Callière, avec l'aimable collaboration du Centre culturel de Mistissini.
Mathieu Dupuis, Pointe-à-Callière, avec l'aimable collaboration du Centre culturel de Mistissini.
Mathieu Dupuis, Pointe-à-Callière, avec l'aimable collaboration du Centre culturel de Mistissini.

