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Objets en os autochtones : Une technologie ancienne témoin du quotidien

Marie-Ève Boisvert

Les matières dures d’origine animale (os, dent, bois, ivoire) sont des matières premières versatiles qui ont été notamment utilisées par les sociétés nomades et sédentaires du Nord-Est américain afin de produire une riche variété d’objets répondant à une multitude de besoins. La famille d’objets en os autochtones vise à offrir une image représentative des grandes catégories d’objets en os fabriqués essentiellement au cours des périodes préhistoriques, mais également au début de la période historique. Cette collection d’artéfacts met l’accent sur l’originalité et la variabilité morphologique et fonctionnelle des témoins de l’industrie osseuse retrouvés en contexte archéologique québécois. Elle illustre également la contribution significative de la technologie osseuse dans la fabrication d’armes (chasse, pêche, guerre), d’outils du quotidien, de parures, d’objets symboliques ou encore d’objets ludiques.

Les artéfacts sélectionnés proviennent de plusieurs sites archéologiques datant des différentes périodes de la préhistoire. Cependant, comme les matières osseuses n’échappent pas aux lois de la conservation différentielle et sont donc susceptibles de se décomposer dans le sol, la représentativité des diverses régions du Québec et des diverses traditions culturelles souffre de cette réalité. Ce constat est particulièrement vrai pour les périodes plus anciennes et pour les régions où les contextes d’enfouissement sont peu propices à la conservation des matières organiques comme l’os, par exemple lorsque les sols sont acides. Par conséquent, le présent corpus ne dépeint qu’une partie de la variabilité des objets en os qui a réellement existé.

Pour ces raisons, les sites archéologiques datant du Sylvicole supérieur et bordant la vallée du Saint-Laurent peuvent paraitre surreprésentés au sein de cette famille d’artéfacts. Cette situation s’explique également par la présence d’interventions archéologiques plus soutenues dans cette grande portion du Québec. De surcroit, la vallée du Saint-Laurent est, vers la fin du Sylvicole supérieur, occupée par les Iroquoiens du Saint-Laurent, qui ont, entre autres, développé un intérêt marqué et des habiletés incontestables pour la production d’objets en os de toutes sortes. Par conséquent, ce corpus tire profit de l’excellente condition de préservation de plusieurs assemblages osseux associés aux Iroquoiens du Saint-Laurent et de l’impressionnante variabilité des objets produits.

En explorant les différents artéfacts de cette famille, il sera possible de constater que malgré une grande variété d’usages et d’objets en os, les poinçons, les aiguilles, les têtes de harpon, les hameçons, les incisives de castors ouvragées ou les perles présentent peu ou pas de traits distinctifs ou emblématiques associés à une période, à un groupe ou à une tradition culturelle. En fait, contrairement aux pointes de projectiles en pierre taillée ou encore à la poterie, qui sont bien définis typologiquement, à ce jour, l’industrie osseuse n’a pas reçu l’attention requise pour véritablement reconnaitre une typologie formelle. Il est donc parfois complexe et délicat de s’interroger sur la signification particulière des nombreuses variantes morphologiques observables, par exemple, pour les têtes de harpons ou les poinçons en os.

Malgré les limites susmentionnées, cette famille d’artéfacts offre un portrait précis de la technologie osseuse en illustrant la variabilité morphofonctionnelle présente dans les assemblages archéologiques et en révélant la complexité entourant la panoplie d’usages réservés aux objets en os. À cet égard, des efforts ont été déployés pour documenter la fonction des artéfacts sélectionnés, illustrant par le fait même la grande versatilité des objets en os qui étaient intégrés au sein des activités quotidiennes des communautés qui ont marqué la préhistoire et l’histoire récente du Nord-Est américain. La présente sélection permet de constater que les matières dures d’origine animale ouvragées étaient indispensables notamment pour se nourrir, se défendre, se vêtir et se divertir. Ainsi, les objets en os répondent à une variété de besoins qu’ils soient de nature technologique, économique, sociale, symbolique, etc. Ces besoins sont entre autres visibles à travers des activités comme le travail du bois et de l’écorce, la préparation et la transformation des peaux animales, la décoration de vases en argile, la chasse et la pêche, le jeu, les activités cérémonielles, les travaux de couture ou encore l’ornementation du corps, des vêtements et des accessoires.

Enfin, la famille d’objets en os autochtones contribue à offrir une image plus complète des technologies anciennes puisqu’elle est complémentaire à bien d’autres familles d’artéfacts de la Collection archéologique de référence du Québec. Elle illustre également la valeur et le rôle inestimables des objets en os pour les communautés autochtones.

ARTÉFACTS DE CETTE FAMILLE
Objets en os iroquoiens du Saint-Laurent
Objets en os iroquoiens du Saint-Laurent
Crédit : Christian Gates St-Pierre
: Reconstitution des chaînes opératoires
Reconstitution des chaînes opératoires impliquées dans la fabrication d’objets à partir de métapode de cervidé.
Crédit : Christian Gates Saint-Pierre et Marie-Ève Boisvert 2015
Microtraces d'utilisation d'un poinçon
Microtraces d'utilisation d'un poinçon utilisé sur du cuir observées sur différents objets en os.
Crédit : Christian Gates Saint-Pierre et Marie-Ève Boisvert 2015