Laboratoire d'archéologie du Québec
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Bouteille à bière. Vue généraleImage
Photo : Sébastien Martel 0, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Bouteille à bière. Côté AImage
Photo : Sébastien Martel 0, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Bouteille à bière. Côté BImage
Photo : Sébastien Martel 0, © Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Bouteille à bière. CulImage
Photo : Sébastien Martel 0, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Bouteille à bière. Détail de l'inscriptionImage
Photo : Sébastien Martel 0, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

CfEt-5 > Opération 14 > Sous-opération A > Lot 2 > Numéro de catalogue 22

Contexte(s) archéologique(s)

Brasserie

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

La bouteille à bière a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec, car elle témoigne des pratiques de récupération et de réutilisation des bouteilles en verre par la brasserie de Beauport (1895-1910), un site archéologique majeur de la région de Québec. Elle a aussi été choisie parce qu'elle provient d'un important dépôt de verre de cette brasserie, permettant d'avancer l'hypothèse que celle-ci devait racheter des lots de bouteilles vides dont certaines devaient être rejetées d'emblée.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

La bouteille à bière en verre incolore est fabriquée entre 1850 et 1910, d'après son mode de fabrication et le contexte de sa découverte. En effet, elle est soufflée au moule vertical à charnières en deux parties avec plaque de base séparée, en usage de 1850 à 1920.

Ce type de moule est celui le plus utilisé pour la fabrication de contenants à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Vers le milieu du XIXe siècle, il remplace principalement le moule en deux parties, le moule en creux et le moule de type Ricketts. Ses dates d'utilisation se situent généralement entre 1850 et la période de fabrication mécanisée introduite dans les années 1920. L'utilisation de ce moule laisse des marques commençant au bord du cul et remontant de chaque côté de la bouteille jusqu'à l'autre extrémité. Une marque est également visible pour la plaque de la base. Le corps et le cul peuvent porter des inscriptions en relief.

Selon les inscriptions moulées sur la paroi de la bouteille, celle-ci provient de la brasserie Silver Spring Brewery & Co. de Sherbrooke. Cette brasserie est en affaires de 1896 jusqu'à sa fermeture vers 1929. Il s'agit, à l'époque, de la brasserie la plus prospère des Cantons-de-l'Est. Elle vend ses produits à l'échelle locale, mais également en Ontario, dans les Maritimes et dans les provinces de l'Ouest.

Ce récipient servant au transport et à l'entreposage de bière est recyclé. Le principe du recyclage des bouteilles en verre est établi en Amérique du Nord dès le XVIIIe siècle, en raison de leur coût de fabrication élevé. Il est alors d'usage d'importer des vins et spiritueux d'Europe et d'ensuite réutiliser les contenants pour embouteiller des produits locaux, comme la bière. Avec la mécanisation des procédés de fabrication des contenants de verre, une grande variété de contenants sont développés pour chaque secteur commercial. La marque du produit et le nom du fabricant peuvent alors apparaitre sur une étiquette ou sont moulés en relief. Ce principe procure une propriété légale à l'entreprise, mais l'oblige également à mettre en place un système de recyclage coûteux et plus ou moins efficace. Vers la fin du XIXe siècle, aux États-Unis, c'est environ 35 % des bouteilles vides qui sont retournées. Les embouteilleurs doivent combler le manque par l'utilisation d'autres bouteilles portant parfois la marque d'une compagnie concurrente. Aux États-Unis, en 1935, une loi est votée interdisant la revente de bouteilles.

La bouteille à bière est mise au jour en 1991, sur le site de la brasserie de Beauport, du côté est du mur de refend. La qualité d'une bière repose essentiellement sur la qualité de l'eau entrant dans sa composition, expliquant l'implantation des brasseries du XIXe siècle près des cours d'eau. C'est le cas du complexe industriel de Beauport, où trois grandes entreprises s'établissent près de la rivière. S'y succèdent la distillerie-brasserie Young/de Beauport (1792-1810), la brasserie Racey/de Beauport (1810-1863) et la brasserie de Beauport (1895-1911). Ces établissements sont parmi les plus anciens construits dans la région.

Dès 1895, la brasserie de Beauport se spécialise dans la production de « lager beer », de bière double et de porter. Sa réputation grandit rapidement. L'entreprise possède tous les équipements nécessaires à l'embouteillage et au lavage des bouteilles retournées et réutilisées. Malgré son succès, la brasserie de Beauport connait des difficultés financières en raison d'une concurrence féroce entre brasseurs au début du XXe siècle. Elle déclare faillite en 1911, et l'entreprise est alors vendue à la National Breweries. Les bâtiments sont détruits vers 1932.

Cette bouteille, provenant d'une brasserie de Sherbrooke et retrouvée dans un important dépôt de verre lors d'une intervention archéologique en 2020, permet d'avancer l'hypothèse que la brasserie de Beauport devait racheter des lots de bouteilles vides, même de compagnies rivales, dont certaines devaient être rejetées d'emblée.

RÉFÉRENCES

BUSCH, Jane. « Second Time Around: A Look at Bottle Reuse ». Historical Archaeology. Vol. 21, no 1 (1987), p. 67-80.
Ethnoscop inc. Fouille archéologique d'un bâtiment du complexe industriel de la distillerie/brasserie de Beauport et surveillance des travaux de construction. Rapport de recherche archéologique [document inédit], Ville de Beauport, 1992. 78 p.
FISET, Richard. Brasseries et distilleries à Québec (1620-1900) : Profil d'archéologie industrielle. Université Laval, 2001. 538 p.
LINDSEY, Bill. Historic Glass Bottle Identification & Information Website [En Ligne]. https://sha.org/bottle/index.htm
Société d'histoire de Coaticook. « Les brasseries estriennes ». Le Courant. No 15 (2013), s.p.
Ville de Québec. « Distillerie et brasserie de Beauport : Pour étancher la soif des Québécois ». Ville de Québec. Site officiel de la Ville de Québec [En ligne]. https://archeologie.ville.quebec.qc.ca/sites/distillerie-et-brasserie-de-beauport/distillerie-et-brasserie-de-beauport-pour-etancher-la-soif-des-quebecois/