Laboratoire d'archéologie du Québec
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Oreille de chaudron. Côté AImage
Photo : Émilie Deschênes 2020, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Oreille de chaudron. Côté BImage
Photo : Émilie Deschênes 2020, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

CeEu-11 > Opération 7 > Sous-opération W > Lot 9 > Numéro de catalogue 546

Contexte(s) archéologique(s)

Cour
Tranchée de construction

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

L'oreille de chaudron a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec parce qu'elle atteste de la présence de chaudrons en laiton sur le site de la mission. Ces chaudrons témoignent de la traite entre Autochtones et Français et servent aussi de matière première pour la fabrication de bijoux et d'objets décoratifs par les Autochtones qui sont également trouvés sur le site.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

L'oreille de chaudron sert à la fixation d'une anse sur un chaudron métallique. Elle a été utilisée sur le site de la mission Notre-Dame-de-Lorette au XVIIe siècle. Elle est fabriquée à partir d'une double épaisseur de plaque de laiton percée pour y installer les trous de fixation pour les rivets et le trou d'attache pour l'anse. Seule la partie supérieure de l'oreille comprenant la partie supérieure du trou de fixation de l'anse est conservée. Les coins de l'oreille sont repliés sur un côté, ce qui lui donne une forme rectangulaire aux coins arrondis, renforce la structure de l'attache de l'anse et réduit le risque de blessures sur les coins tranchants de l'attache. Le fragment mesure 3,7 cm de largeur et est conservé sur 2,5 cm de hauteur. L'épaisseur est de 0,1 cm. Les côtés des coins repliés ont une longueur variant entre 0,8 et 1 cm. Le trou de fixation fragmentaire de l'anse est semi-circulaire et irrégulier. Il mesure 0,9 cm de largeur maximale et est conservé sur 0,7 cm de hauteur. L'irrégularité est certainement due à une déformation du métal au cours de son utilisation. La surface de l'oreille est fortement martelée.

Le chaudron peut servir à la cuisson d'aliments ou à d'autres tâches ménagères, mais c'est aussi un objet d'échange dans la traite des fourrures entre Français et Autochtones. La présence de chaudrons en laiton sur le site de la mission Notre-Dame-de-Lorette peut donc témoigner de tels échanges entre les Français et les Hurons-Wendats, qui utilisent le laiton comme matière première pour la fabrication d'objets décoratifs et de bijoux, tels des cônes clinquants et des perles, dont des exemplaires ont aussi été trouvés sur le site. Les oreilles servant d'attache, par contre, ne sont pas utilisées pour la fabrication d'autres objets.

L'oreille de chaudron a été trouvée lors de fouilles réalisées sur le site du presbytère de L'Ancienne-Lorette en 2018. Elle provient d'un lot associé aux déblais du creusement des tranchées de fondation du deuxième presbytère de L'Ancienne-Lorette. La déposition est datée vers 1700, immédiatement après l'abandon de la mission par les Hurons-Wendats et les autres occupants du site. Cette couche comporte un grand nombre d'autres objets liés à leur présence, dont entre autres des pipes en pierre et des perles de verre. Le creusement à l'origine de ces déblais aurait donc perturbé les sols d'occupation de la mission immédiatement après le départ des Hurons-Wendats et l'oreille de chaudron proviendrait donc d'un chaudron utilisé pendant l'occupation de la mission. En effet, à l'origine, des maisons longues se trouvaient à cet endroit durant l'occupation de la mission Notre-Dame-de-Lorette à la fin du XVIIe siècle. L'oreille de chaudron est maintenant conservée dans les locaux du Laboratoire et de la Réserve d'archéologie du Québec.

Les oreilles de chaudron, tout comme des objets de parure ou des objets utilitaires fabriqués par les Autochtones à partir de découpages de chaudron de cuivre ou de laiton, sont retrouvées sur de nombreux sites nord-américains datant du XVIe au XVIIIe siècle. En fait, les objets fabriqués en cuivre ou en laiton de chaudron, comme les perles et autres objets de parure, les cônes clinquants, mais aussi parfois des pointes de flèche ainsi que les retailles de ces métaux, comptent parmi les tout premiers témoins du contact avec les Européens sur les sites autochtones dès le XVIe siècle. Le laiton, comme matière première, se retrouve notamment à partir du XVIIe siècle, lorsque les Français et les Hollandais remplacent les Basques dans la traite des fourrures dans le nord-est de l'Amérique du Nord et apportent des chaudrons d'une qualité moindre fabriqués dans cet alliage cuivreux moins pur. Les oreilles de chaudron comme celle-ci sont les attaches d'anse utilisées spécifiquement sur ce type de chaudron plus tardif.

RÉFÉRENCES

BRADLEY, James W., W.R. FITZGERALD, Laurier TURGEON et Ruth Holmes WHITEHEAD. « Late Sixteenth-Century Basque Banded Copper Kettles ». Historical Archaeology. Vol. 27, no 1 (1993), p. 44-57.
GAIA, coopérative de travail en archéologie. Fouilles archéologiques sur le site du Presbytère de l'Ancienne-Lorette (CeEu-11). Rapport de recherche archéologique [document inédit], Ville de l'Ancienne-Lorette, 2019. 652 p.
QUIMBY, George Irving. Indian Culture and European Trade Goods : The Archaeology of the Historic Period in the Western Great Lakes Region. Madison, The University of Wisconsin Press, 1966. 217 p.