Laboratoire d'archéologie du Québec
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Ébauche de pointe foliacée. Face AImage
Photo : Émilie Deschênes 2020, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Ébauche de pointe foliacée. Face BImage
Photo : Émilie Deschênes 2020, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Ébauche de pointe foliacée. Vue de l'éclat de cannelure remonté sur l'ébauche de pointeImage
Photo : Émilie Deschênes 2020, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

BiEr-14 > Numéro de catalogue 131L

Contexte(s) archéologique(s)

Campement

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

L'ébauche de pointe foliacée a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec, car elle est un témoin représentatif de la technique utilisée afin de tailler des cannelures à partir de l'aménagement d'une protubérance, ou mamelon, au centre de la base inachevée. Elle a également été choisie, car un éclat de cannelure pouvant être remonté avec cet objet a été retrouvé (BiEr-14-319L). Finalement, cet objet a été choisi pour sa rareté, puisqu'au Québec, ce type de pointe n'a été découvert jusqu'à présent que dans la région du Lac-Mégantic.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

L'ébauche de pointe foliacée est représentative de la période du Paléoindien ancien, qui se situe de 12 000 à 10 000 ans avant aujourd'hui. Cette pointe est plus spécifiquement liée à la phase médiane de cette période, soit au style « Michaud-Neponset » associé à la Nouvelle-Angleterre ou au style « Barnes » propre à la région des Grands Lacs. L'objet est taillé dans une rhyolite verdâtre de bonne qualité, bien qu'altérée. Cette pierre provient possiblement de l'État du New Hampshire. Puisque les éclats de débitage de ce matériau sont rares sur le site de la découverte de l'objet, l'outil aurait vraisemblablement été importé à un stade de finition avancé sur le site.

La pointe foliacée est une pointe de projectile servant à armer une lance, utilisée principalement pour la chasse au gros gibier comme le caribou. La pointe peut également servir de couteau. Cette pointe est une ébauche, puisque la base n'est pas achevée. De plus, la présence du mamelon au centre de la base correspond à une technique de taille servant à détacher les éclats de cannelure, indiquant que la pointe n'a jamais été terminée. Le tailleur aligne son coup sur cette protubérance pour dégager un éclat de cannelure sur chacune des faces. Une fois les deux détachements réussis, la base est taillée pour faire disparaitre la protubérance et donner une allure légèrement concave à la base. La présence de deux cannelures et du mamelon près de la base permet également d'associer cette pointe au type « Michaud-Neponset » et d'estimer son âge entre 12 400 et 11 900 ans avant aujourd'hui. L'amincissement de la base ainsi que l'aménagement de cannelures sert à faciliter son emmanchement sur une lance, qui est ensuite projetée à la façon d'un javelot ou encore à l'aide d'un propulseur. Toutefois, cette attribution demeure hypothétique, les éléments permettant son identification formelle étant absents ou incomplets. La taille de la deuxième cannelure ayant vraisemblablement causé la cassure de la pointe, la pièce est abandonnée en cours de fabrication sur le site. L'éclat de cette cannelure est retrouvé à proximité, confirmant que la pointe a été cassée sur place.

L'ébauche de pointe foliacée est mise au jour en 2003 sur le site Cliche-Rancourt (BiEr- 14), situé sur une rive du lac aux Araignées dans le secteur de Mégantic en Estrie. Elle provient de l'aire d'occupation principale du site, comprenant les restes d'un campement recelant des traces d'activités domestiques et artisanales, comme la taille de la pierre. Cette découverte témoigne de la présence d'un groupe associé à la culture paléoindienne ancienne sur le territoire du Québec il y a de cela plus de 11 000 ans.

La très grande majorité des artéfacts mis au jour avec cette ébauche ont été fabriqués à partir de pierres provenant des États de la Nouvelle-Angleterre. Il est donc fort probable que le groupe de la région de Mégantic faisait partie d'une bande plus étendue qui avait pour centre d'opération le Maine et le New Hampshire. Au Québec, ce type de pointe est rare. Jusqu'à présent, les seuls spécimens trouvés ont été mis au jour dans la région de Mégantic.

Bien que la pierre composant la pointe soit d'abord identifiée comme étant du chert vert en se basant sur les éléments macroscopiques, elle est correctement identifiée par une analyse microscopique effectuée à l'aide de la fluorescence X. Il s'agit de rhyolite, bien que les inclusions caractéristiques de ce type de pierre soient rares ou invisibles.

L'objet fait partie de l'exposition « Fragments d'humanité » présentée par le Musée de Pointe-à-Callière, cité d'archéologie et d'histoire de Montréal.

Cette ébauche de pointe remonte avec l'éclat de cannelure BiEr-1-319L.

RÉFÉRENCES

BURKE, Adrian L., Claude CHAPDELAINE et Gilles GAUTHIER. « Refining the Paleoindian Lithic Source Network at Cliche-Rancourt Using XRF ». Archaeology of Eastern North America. Vol. 42 (2014), p. 101-128.
CHAPDELAINE, Claude. « Cliche-Rancourt, un site du Paléoindien ancien ». CHAPDELAINE, Claude, dir. Entre lacs et montagnes au Méganticois, 12 000 ans d’histoire amérindienne. Paléo-Québec, 32. Montréal, Recherches amérindiennes au Québec, 2007, p. 47-120.
CHAPDELAINE, Claude. « Early Paleoindian Occupation at Cliche-Rancourt, Southeastern Quebec ». CHAPDELAINE, Claude, dir. Late Pleistocene Archaeology and Ecology in the Far Northeast. College Station, Texas A&M University Press, 2012, p. 135-163.
CHAPDELAINE, Claude. Le Méganticois : la vingt-cinquième école de fouilles, juillet-août 2003. Rapport de recherche archéologique [document inédit], Université de Montréal, 2003. 133 p.