Laboratoire d'archéologie du Québec
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Bague dite « jésuite ». FaceImage
Photo : Émilie Deschênes 2017, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Bague dite « jésuite ». Vue généraleImage
Photo : Émilie Deschênes 2017, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Bague dite « jésuite ». DétailImage
Photo : Émilie Deschênes 2017, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

La bague dite « jésuite » fait partie de la collection archéologique de référence du Québec parce qu'elle est représentative des bagues découpées-assemblées à décor gravé et gravé au tremblé, un mode de fabrication rare dans les collections archéologiques du Québec. De plus, il s'agit du seul exemplaire connu à ce jour en Amérique du Nord présentant le type stylistique « motif étoilé ».

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

La bague dite « jésuite » est confectionnée dans un alliage désigné sous le nom de « bronze à canon ». Le bronze à canon est un alliage cuivreux contenant du zinc et de l'étain qui se caractérise par sa couleur rougeâtre, sa grande ductilité et sa dureté. Cette bague est associée au modèle de bague découpée-assemblée à décor gravé et gravé au tremblé. Importé de France, ce modèle aurait transité par le port commercial de Bordeaux. Ce port commence à armer régulièrement des navires pour le Canada en 1671 et domine les échanges durant les deux dernières décennies du Régime français (vers 1740-vers 1760).

Elle appartient au type technologique des bagues découpées-assemblées à décor gravé et gravé au tremblé, un mode de fabrication rare dans les collections archéologiques québécoises. La mise en forme de la bague combine plusieurs techniques pour fabriquer la plaque et l'anneau, puis pour les assembler. La fabrication de la plaque s'effectue à partir d'une grande plaque de métal dans laquelle une petite plaque octogonale est découpée à la scie. La fabrication de l'anneau débute par la confection d'un fil. Celui-ci est obtenu en coulant une tige de métal dans une lingotière, puis en l'étirant par martelage ou par tréfilage à la filière. Le fil est ensuite courbé par pliage à l'aide d'une pince à mâchoires cylindriques ou par martelage sur un triboulet. La dernière étape consiste à assembler la plaque et l'anneau par brasage.

La décoration combine les techniques de la gravure et de la gravure au tremblé. La première consiste à entamer la surface du métal à l'aide d'un outil tranchant, comme un burin ou une pointe-sèche. La seconde permet de réaliser des traits en zigzags à l'aide d'un burin spécial, connu sous le nom de ciseau à trembler.

À l'époque des premiers contacts avec les Européens, les formes géométriques, les lignes droites et les lignes brisées sont couramment employées dans l'art décoratif du nord-est américain pour orner les vêtements, les parures, les objets personnels, les contenants utilitaires (poterie, vannerie et écorce) et les pipes à fumer. Si la plupart de ces motifs sont purement décoratifs, certains recèlent une dimension spirituelle. L'un des plus importants est la croix aux branches égales. Pour les nations de la région des Grands Lacs, ce motif évoque à la fois les quatre points cardinaux (nord, sud, est, ouest) et les quatre saisons (printemps, été, automne, hiver). Les Autochtones considèrent que les saisons possèdent une puissance spirituelle. Ces esprits se manifestent par les vents qui soufflent des quatre coins de la terre et assurent les changements réguliers du temps qui sont nécessaires à toute la vie. Plusieurs apposent ce symbole sur leur peau (tatouages ou peintures), leurs vêtements et leurs canots, sans doute pour se concilier les esprits des saisons. Le motif étoilé ornant cette bague pourrait avoir cette signification. La signification de ce symbole demeure toutefois inconnue pour la société française des XVIIe et XVIIIe siècles.

En Nouvelle-France, la bague dite « jésuite » est un objet de parure porté à la fois par les Français et les Autochtones. Elle joue également un rôle important dans les relations franco-autochtones.

Cette bague est découverte dans les années 1950 ou 1960 , lors de collectes de surface effectuées sur la rive est du lac Abitibi et en bordure de la rivière Duparquet. La bague dite « jésuite » fait son apparition sur les sites archéologiques nord-américains après 1650 et perdure jusque vers 1770-1780.

En 2018, la bague est conservée à la Société d'histoire et d'archéologie d'Abitibi Ouest.

RÉFÉRENCES

MERCIER, Caroline. « "Jesuit" Rings in Trade Exchanges Between France and New France: Contribution of a Technological Typology to Identifying Supply and Distribution Networks ». Northeast Historical Archaeology. Vol. 40 (2011), p. 21-42.
MERCIER, Caroline. Bijoux de pacotille ou objets de piété? : les bagues dites « jésuites » revisitées à partir des collections archéologiques du Québec. Cahiers d'archéologie du CÉLAT, 34. Québec, Célat, 2012. 234 p.
MERCIER, Caroline. « La dérive stylistique des bagues dites « jésuites » : une thèse réévaluée à partir des collections archéologiques du Québec ». Archéologiques. No 26 (2013), p. 92-106.