Laboratoire d'archéologie du Québec
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Pointe biseautée. Côté AImage
Photo : Mathieu Landry 2022, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Pointe biseautée. Côté BImage
Photo : Mathieu Landry 2022, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Pointe biseautée. Vue de profilImage
Photo : Mathieu Landry 2022, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

LOCALISATION

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

BgFn-1 > Unité de fouille Puits 74N-27W > Quadrant NW > Couche stratigraphique Niveau 10-20 > Numéro de catalogue 1662

Contexte(s) archéologique(s)

Maison longue
Village autochtone

Région administrative

Montérégie

MRC

Le Haut-Saint-Laurent

Municipalité

Saint-Anicet

Fonction du site

domestique
agricole

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

La pointe biseautée a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec, car elle constitue l'un des rares témoins caractéristiques de l'industrie osseuse chez les Iroquoiens du Saint-Laurent. La pointe a également été retenue, car l'espèce animale à laquelle appartient cet os, l'ours noir, a pu être identifiée grâce à la zooarchéologie par spectrométrie de masse (ZooMS).

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

La pointe biseautée en os est fabriquée au cours du Sylvicole supérieur (1 000 à 450 ans avant aujourd'hui) et est associée aux Iroquoiens du Saint-Laurent. La pièce est façonnée à partir d'un os long d'ours noir et présente deux principales caractéristiques morphologiques : la présence d'un biseau distal et celle d'une logette d'emmanchement. Le biseau est aménagé par abrasion afin d'obtenir une extrémité pointue. La base de la pièce, qui est incomplète, serait possiblement aménagée par rainurage, une technique permettant de sectionner l'os à la longueur désirée. Ce faisant, ce sectionnement perpendiculaire à l'axe de la diaphyse expose la cavité médullaire, la partie creuse de l'os.

La pointe biseautée sert à armer la partie distale d'un projectile et représente sans doute une pointe de flèche utilisée pour la chasse ou pour la guerre. La cavité médullaire exposée fait office de logette d'emmanchement, destinée à recevoir la hampe de l'arme de jet. En plus de ces fonctions utilitaires, cette arme façonnée sur un os d'ours noir pourrait revêtir des significations particulières, puisque la relation symbolique entre l'ours et l'humain est importante dans la mythologie iroquoienne. En raison d'un séjour prolongé dans le sol, la pointe biseautée est entièrement couverte d'empreintes de radicelles. L'artéfact porte également une fissure longitudinale à la base du biseau, dont la cause demeure inconnue.

La pointe biseautée est mise au jour en 2011 sur le site villageois Droulers-Tsiionhiakwatha, situé dans la municipalité de Saint-Anicet, au sud-ouest de la municipalité de Salaberry-de-Valleyfield. Occupé à la fin du XVe siècle par les Iroquoiens du Saint-Laurent, le village accueille au minimum dix maisons longues, dont sept ont été mises au jour, ainsi que deux principaux espaces dépotoirs. Ce site figure d'ailleurs parmi les villages iroquoiens du Québec les plus extensivement fouillés. La pointe biseautée provient de l'une de ces habitations. Des prélèvements ont été effectués sur la partie proximale de la pointe aux fins d'analyses spécialisées. Grâce à la zooarchéologie par spectrométrie de masse (ZooMS), l'espèce animale utilisée pour la fabrication de cet objet a pu être identifiée, via l'analyse du collagène ou d'autres protéines.

Les pointes de projectile conique en os sont communes à l'ensemble des populations iroquoiennes du Nord-Est américain. Cependant, une variante est plus fréquemment retrouvée sur les sites iroquoiens du Saint-Laurent, dont le site Droulers. Celle-ci se distingue par la combinaison des attributs suivants : une morphologie conique, une extrémité distale biseautée et, surtout, une base concave à logette qui est parfois munie de petits ailerons latéraux. De telles pointes ne sont pas systématiquement présentes sur les sites occupés par les Iroquoiens du Saint-Laurent, mais leur fréquence est significativement plus faible dans les collections archéologiques associées aux autres groupes iroquoiens. Ainsi, la présence de ce type d'armature sur des sites hurons-wendats ancestraux par exemple, pourrait être interprétée comme le résultat d'échanges, d'intermariages, de la présence de réfugiés ou de captifs iroquoiens du Saint-Laurent, ou encore de coalescences interculturelles.

RÉFÉRENCES

BOISVERT, Marie-Ève et Christian GATES ST-PIERRE. « La transformation des matières dures d’origine animale sur le site Droulers ». CHAPDELAINE, Claude, dir. Droulers-Tsiionhiakwatha : chef-lieu iroquoien de Saint-Anicet à la fin du XVe siècle. Paléo-Québec, 38. Montréal, Recherches amérindiennes au Québec, 2019, p. 263-293.
CHAPDELAINE, Claude. Le site Droulers/Tsiionhiakwatha: deuxième campagne de fouilles. Août et Septembre 2011. Rapport de recherche archéologique [document inédit], Université de Montréal/MRC du Haut-Saint-Laurent, 2012. 344 p.
COLLINS, Matthew, George FOODY, Christian GATES ST-PIERRE, Krista MCGRATH, Carolynne ROBERTS, Keri ROWSELL, Camilla SPELLER et Andrew TEDDER. « Identifying Archaeological Bone via Non-Destructive ZooMS and the Materiality of Symbolic Expression: Examples from Iroquoian Bone Points ». s.a. Scientific Reports [En ligne]. https://doi.org/10.1038/s41598-019-47299-x
GATES ST-PIERRE, Christian, Louis-Vincent LAPERRIÈRE-DÉSORCY et Claire ST-GERMAIN. « Black Bears and the Iroquoians: Food, Stories, and Symbols ». LAPHAM, Heather A. et Gregory A. WASELKOV. Bears: Archaeological and Ethnohistorical Perspectives in Native Eastern North America. Florida Museum of Natural History: Ripley P. Bullen Series. Gainesville, University of Florida Press, 2020, p. 138-159.
GATES ST-PIERRE, Christian. « Les pointes en os biseautées des Iroquoiens ». Journal canadien d'archéologie. Vol. 39, no 1 (2015), p. 31-46.