Laboratoire d'archéologie du Québec
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Bague dite « jésuite ». FaceImage
Photo : Julie Toupin 2020, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Bague dite « jésuite ». Vue généraleImage
Photo : Julie Toupin 2020, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Bague dite « jésuite ». DétailImage
Photo : Julie Toupin 2020, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

CeEu-11 > Opération 9 > Sous-opération A > Lot 11 > Numéro de catalogue 649

Contexte(s) archéologique(s)

Fosse

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

La bague dite « jésuite » a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec parce qu'il s'agit d'un bijou à multiples significations associé aux missions jésuites ainsi qu'à la traite, et aussi parce qu'elle a été trouvée in situ au fond d'une fosse d'entreposage utilisée durant l'occupation de la mission de Notre-Dame-de-Lorette.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

La bague dite « jésuite » est utilisée comme bijou personnel sur le site de la mission Notre-Dame-de-Lorette au XVIIe siècle. Elle est faite en alliage cuivreux moulé et son anneau mesure 1,9 cm de diamètre extérieur, 1,7 cm de diamètre intérieur et 0,3 cm de largeur. La plaque est de forme légèrement ovale et mesure 0,9 sur 0,8 cm. Elle porte un décor gravé. De part et d'autre de la plaque, l'anneau de la bague est plus large et plus épais et est décoré de trois cannelures verticales moulées.

Le décor gravé fait ressortir en relief un coeur décentré, cadré d'un cartouche. Le coeur, situé du côté droit de la plaque, est placé très bas de sorte que sa pointe semble avoir été tronquée. Il pourrait s'agir d'un motif de type « L- coeur » ou « V- coeur », mais la plaque est couverte de concrétions importantes et il est impossible de bien identifier les détails du décor. Une lettre « L » qui épouse habituellement le côté gauche et la pointe du coeur dans le motif « L- coeur », semble ici uniquement représentée par une barre verticale du côté gauche de la plaque, faute de place sous le coeur, ou la lettre pourrait être placée à la verticale avec le coeur couché sur le côté.

La bague, y compris l'anneau avec ses cannelures décoratives et la plaque arrondie, a été fabriquée en coulant l'alliage métallique liquide dans un moule. Le décor de la plaque a été obtenu par gravure à l'aide d'un outil pointu afin d'y faire ressortir en relief la forme du coeur ainsi qu'une bordure circulaire. Le grand diamètre de la bague indique qu'elle a été faite pour des mains d'adultes, et fort probablement pour être portée par un homme.

Cette bague dite « jésuite » fait partie des bagues rébus, ou bagues charades qui portent un décor composé de lettres et de symboles représentant un message à décrypter par homophonie. En France, ces bagues porte-bonheurs sont courantes de la fin du XVIe jusqu'au XIXe siècle. Les décors de type « L- coeur » ou « V- coeur » appartiennent aux motifs d'ordre sentimental et les bagues portant ces décors sont plus particulièrement connues comme des bagues de fiançailles portées par les hommes. Les décors représentent alors un gage d'amour qui peut se lire « Elle a mon coeur », « Mon coeur est à elle » ou « Mon coeur à elle » pour le premier, ou bien « Mon coeur est à vous » ou « Mon coeur à vous » pour le deuxième motif.

En Nouvelle-France, les bagues dites « jésuites » ont été trouvées autant sur les sites euroquébécois que sur des sites autochtones datant des XVIIe et XVIIIe siècles. De plus, malgré l'association des motifs comportant un coeur au domaine sentimental, les bagues portant un décor L-coeur sont, ensemble avec le monogramme christique, parmi les bagues les plus fréquemment trouvées sur les sites des missions jésuites. Ces bagues jouent donc aussi un rôle dans les relations des Français et des Jésuites avec les groupes autochtones, que ce soit comme objet de traite, comme cadeaux lors de négociations ou comme récompenses pour les convertis. Chez les Autochtones, les bijoux faits en alliage cuivreux sont très appréciés, comme en témoignent leurs parures et accessoires fabriqués à partir de retailles de chaudrons en laiton.

La bague dite « jésuite » a été trouvée lors de fouilles réalisées sur le site du presbytère de L'Ancienne-Lorette en 2018. Elle provient du fond d'une grande fosse d'entreposage utilisée lors de l'occupation de la mission Notre-Dame-de-Lorette à la fin du XVIIe siècle et qui pourrait être associée à la présence d'une maison longue dans ce secteur du site. Cette fosse contenait plusieurs autres artéfacts datant de l'occupation autochtone de la mission. La bague fait maintenant partie de la collection du Musée huron-wendat de Wendake.

RÉFÉRENCES

GAIA, coopérative de travail en archéologie. Fouilles archéologiques sur le site du Presbytère de l'Ancienne-Lorette (CeEu-11). Rapport de recherche archéologique [document inédit], Ville de l'Ancienne-Lorette, 2019. 652 p.
MERCIER, Caroline. Bijoux de pacotille ou objets de piété? : les bagues dites « jésuites » revisitées à partir des collections archéologiques du Québec. Cahiers d'archéologie du CÉLAT, 34. Québec, Célat, 2012. 234 p.