Laboratoire d'archéologie du Québec
< RETOUR À LA RECHERCHE
Fragment de bouteille à bière. Vue extérieureImage
Photo : Mathieu Landry 2022, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Fragment de bouteille à bière. Vue intérieureImage
Photo : Mathieu Landry 2022, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Fragment de bouteille à bière. Vue de côtéImage
Photo : Mathieu Landry 2022, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

CfEt-5 > Opération 6 > Sous-opération A > Lot 7 > Numéro de catalogue 15

Contexte(s) archéologique(s)

Brasserie

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

La bouteille à bière a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec, car elle est liée à la PABST Brewing Company de Milwaukee. Elle a aussi été choisie parce qu'elle témoigne des pratiques de récupération et de réutilisation des bouteilles en verre par la brasserie de Beauport (1895-1910), un site archéologique majeur de la région de Québec. Elle provient également d'un important dépôt de verre de cette brasserie, permettant d'avancer l'hypothèse que celle-ci devait racheter des lots de bouteilles vides dont certaines devaient être rejetées d'emblée.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

La bouteille à bière en verre coloré transparent brun est fabriquée dans un moule entre 1863 et 1910, probablement aux États-Unis, d'après les inscriptions moulées sur le fragment de paroi et le contexte de sa découverte. En effet, il est possible d'y lire « PABST BREWIND CO. », référant à une entreprise fondée à Milwaukee en 1844 par Jacob Best (1786-1861) avec l'aide de deux de ses fils. Cette brasserie, initialement appelée Empire Brewery, est reprise par Philip Best (1814-1869) vers 1850, puis par Frederick Pabst (1836-1904) vers 1863. La petite entreprise prend de l'expansion et devient la deuxième plus grosse brasserie aux États-Unis et est récipiendaire de plusieurs prix. En 1889, la compagnie change de nom pour la Pabst Brewing Compagny. Elle poursuit encore ses activités au XXIe siècle.

Ce récipient servant au transport et à l'entreposage de bière est recyclé. Le principe du recyclage des bouteilles en verre est établi en Amérique du Nord dès le XVIIIe siècle, en raison de leur coût de fabrication élevé. Il est alors d'usage d'importer des vins et spiritueux d'Europe et d'ensuite réutiliser les contenants pour embouteiller des produits locaux, comme la bière. Avec la mécanisation des procédés de fabrication des contenants de verre, une grande variété de contenants sont développés pour chaque secteur commercial. La marque du produit et le nom du fabricant peuvent alors apparaitre sur une étiquette ou sont moulés en relief. Ce principe procure une propriété légale à l'entreprise, mais l'oblige également à mettre en place un système de recyclage coûteux et plus ou moins efficace. Vers la fin du XIXe siècle, aux États-Unis, c'est environ 35 % des bouteilles vides qui sont retournées. Les embouteilleurs doivent combler le manque par l'utilisation d'autres bouteilles portant parfois la marque d'une compagnie concurrente. Aux États-Unis, en 1935, une loi est votée interdisant la revente de bouteilles.

La bouteille à bière est mise au jour en 1987, sur le site de la brasserie de Beauport, du côté est du mur de refend de la maison de drèche. La qualité d'une bière repose essentiellement sur la qualité de l'eau entrant dans sa composition, expliquant l'implantation des brasseries du XIXe siècle près des cours d'eau. C'est le cas du complexe industriel de Beauport, où trois grandes entreprises s'établissent près de la rivière. S'y succèdent la distillerie-brasserie Young/de Beauport (1792-1810), la brasserie Racey/de Beauport (1810-1863) et la brasserie de Beauport (1895-1911). Ces établissements sont parmi les plus anciens construits dans la région.

En 1895, la Compagnie de brasserie de Beauport s'installe sur une partie du complexe, à l'emplacement de l'ancien moulin Brown. Elle se spécialise alors dans la production de « lager beer », de bière double et de porter. Sa réputation grandit rapidement. Une ligne de chemin de fer est même aménagée près de la brasserie, facilitant ainsi le transport de la bière. L'entreprise possède tous les équipements nécessaires à l'embouteillage et au lavage des bouteilles retournées et réutilisées. Malgré son succès, la brasserie de Beauport connait des difficultés financières en raison d'une concurrence féroce entre brasseurs au début du XXe siècle. Elle déclare faillite en 1911, et l'entreprise est alors vendue à la National Breweries. Les bâtiments sont détruits vers 1932.

Cette bouteille, retrouvée dans un important dépôt de verre, permet d'avancer l'hypothèse que la brasserie de Beauport devait racheter des lots de bouteilles vides, même de compagnies rivales, dont certaines devaient être rejetées d'emblée.

RÉFÉRENCES

BUSCH, Jane. « Second Time Around: A Look at Bottle Reuse ». Historical Archaeology. Vol. 21, no 1 (1987), p. 67-80.
Ethnoscop inc. Sondages archéologiques sur le site de la distillerie et la brasserie de Beauport. Rapport de recherche archéologique [document inédit], Ville de Beauport/MAC, 1988. 90 p.
FISET, Richard. Brasseries et distilleries à Québec (1620-1900) : Profil d'archéologie industrielle. Université Laval, 2001. 538 p.
Ville de Québec. « Distillerie et brasserie de Beauport : Pour étancher la soif des Québécois ». Ville de Québec. Site officiel de la Ville de Québec [En ligne]. https://archeologie.ville.quebec.qc.ca/sites/distillerie-et-brasserie-de-beauport/distillerie-et-brasserie-de-beauport-pour-etancher-la-soif-des-quebecois/