Laboratoire d'archéologie du Québec
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Dé à coudre. Vue généraleImage
Photo : Émilie Deschênes 2020, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

Collections archéologiques de la Ville de Québec

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

CeEt-30 > Opération 52 > Sous-opération B > Lot 16 > Numéro de catalogue 5

Contexte(s) archéologique(s)

Bâtiment
Commercial
Cour
Domestique
Remblai

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

Le dé à coudre a été sélectionné pour la collection archéologique de référence du Québec, car sa petite taille en fait un objet utilisé par un enfant. Il témoigne du travail de couture ou de menus travaux pouvant avoir été effectués par une fillette et de l'apprentissage des tâches domestiques par les enfants.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

Le dé à coudre en laiton est fabriqué mécaniquement en Europe, possiblement au Royaume-Uni, au cours du XVIIIe siècle, probablement après 1730. L'objet est moulé et les creux, de forme différente sur la couronne et le côté, sont produits par moletage à la machine, un procédé utilisé au Royaume-Uni à cette époque.

Le dé à coudre est un instrument servant à protéger le bout du doigt qui enfonce l'aiguille à coudre à travers des pièces de tissu utilisées pour confectionner ou réparer un vêtement ou d'autres articles. Il est aussi utilisé pour d'autres travaux d'aiguille comme la broderie et est habituellement attribué à une présence féminine. Le dé à coudre est un objet personnel qui doit être ajusté au doigt de la personne qui le porte, aussi la petite taille de celui-ci, mesurant moins de 1,25 cm de hauteur, suggère qu'il appartient à un enfant. Les dés à coudre de ce calibre sont réalisés avec les mêmes techniques de fabrication que les pièces destinées aux adultes. Les caractéristiques de ce dé correspondent au type anglais « Lofting », du nom d'un fabricant anglais d'origine hollandaise ayant mis au point un procédé de fabrication à la toute fin du XVIIe siècle permettant une production à grande échelle.

Les travaux d'aiguille demandent de la précision, de la patience et une volonté de s'appliquer et de se conformer à une tâche. Au XVIIIe siècle, ils sont souvent associés au mode de vie bourgeois et à une féminité devant être aristocratique. Au XIXe siècle, l'idée d'une féminité domestique dans laquelle les travaux d'aiguille sont incontournables est mise de l'avant. Les tâches enseignées aux jeunes filles sont vues comme une contribution au bien-être du foyer, un engagement dans la vie familiale, alors qu'il faut coudre et réparer les vêtements de tous les membres de la famille, broder différents éléments, fabriquer un trousseau de mariage… C'est pourquoi les jeunes filles sont rapidement initiées à cette tâche à laquelle elles trouvent également une valorisation personnelle. Pour les jeunes filles qui fréquentent l'école, la couture et la broderie sont aussi au programme. À l'âge adulte, dans un contexte où l'homme travaille à l'extérieur de la maison, la femme est vue comme la gardienne du foyer et les travaux de couture lui reviennent. Si la femme doit trouver un travail, les travaux d'aiguille qu'elle a appris dès l'enfance s'avèrent alors adéquats dans le sens où ils ne la détournent pas de sa féminité ni de sa vertu.

Le dé à coudre est mis au jour en 2006 sur le site de l'îlot des Palais, situé dans la basse-ville de Québec. Après la Conquête, le site est laissé à l'abandon et connait quelques aménagements pour une fonction militaire et utilitaire. Au tournant du XIXe siècle, des ateliers sont établis le long de la rue Saint-Vallier. Le boulanger James Clearihue y fait l'acquisition des lots vers 1820 alors qu'il y loue déjà un espace, et il exploite une boulangerie jusqu'à la destruction du secteur lors de l'incendie du quartier Saint-Roch en 1845. Le dé à coudre provient d'un remblai faisant aussi office de surface d'occupation extérieure entre le moment où Clearihue procède à des travaux de réaménagement vers 1825 et l'incendie de 1845. Le dé à coudre peut faire partie du remblai initial, pour lequel les artéfacts n'ont pas de datation particulière, ou encore de la surface d'occupation extérieure pour cette période. L'objet a été restauré.

L'utilisation de dés à coudre et le travail du textile ne sont pas exclusifs aux femmes, aussi le détail des activités ayant pu être effectuées dans le secteur de la boulangerie Clearihue reste incomplet et ne permet pas encore une remise en contexte précise de cet objet. Malgré tout, les travaux de couture et les travaux d'aiguille restent principalement une activité domestique féminine bien qu'elle évolue dans le temps et selon les contextes.

RÉFÉRENCES

BEAUDRY, Mary Carolyn. « Stitching Women’s Lives: Interpreting the Artifacts of Sewing and Needlework ». BEAUDRY, Marc C., dir. et James SYMONDS, dir. Interpreting the early modern world : transatlantic perspectives. Contributions to global historical archaeology. New York, Springer, 2011, p. 143-158.
DEAGAN, Kathleen. Artifacts of the Spanish Colonies of Florida and the Caribbean, 1500-1800. Volume 2: Portable Personal Possessions. Washington, D.C., Smithsonian Institution Press, 1987. 372 p.
HARRIS, Jennifer. « Embroidery in Women's Live, 1300-1900 ». BARNETT, Penina. The Subversive Stitch. Manchester, Whitworth Art Gallery/Cornerhouse, 1988, p. 7-29.
ISBISTER, William et Magdalena ISBISTER. More about Thimbles. Vol. 1. Moosbach, Magdalena and William Isbister, 2015. 202 p.
SIMONEAU, Daniel. Îlot des Palais : rapport des fouilles archéologiques réalisées par la Ville de Québec, saison 2006 et 2007. Cahier d'archéologie du CÉLAT, 40. Québec, CÉLAT, Ville de Québec, Ministère de la Culture et des Communications, 2014. 428 p.