Laboratoire d'archéologie du Québec
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PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

16G > Opération 8 > Sous-opération A > Lot 32 > Numéro de catalogue 25Q
BiFh-10 > Opération 8 > Sous-opération A > Lot 32 > Numéro de catalogue 25Q

Contexte(s) archéologique(s)

Fort
Latrines

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

Le fragment de pot à tabac a été sélectionné pour la collection archéologique de référence du Québec, car il représente les loisirs et plus spécifiquement la consommation de tabac dans les postes militaires frontaliers. Fabriqué en verre, il témoigne aussi d'un certain raffinement et a certainement été utilisé dans les quartiers des officiers.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

Le fragment de pot à tabac est fabriqué en Europe, en France ou en Angleterre, lors de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il s'agit d'un fragment appartenant à un contenant octogonal ayant un col très court et une ouverture plutôt large.

Ce type de contenant est utilisé pour la conservation du tabac à priser. Cette façon de consommer, qui consiste à renifler une poudre de tabac, est très populaire en France à l'époque, particulièrement parmi l'élite. Avant le milieu du XVIIIe siècle, les carottes de tabac parfumées sont râpées quotidiennement selon les besoins, puis conservées dans des pots. Plus tard, les tabacs sont vendus en poudre et certains types de pots permettent même de conserver divers parfums dans des compartiments. Les tabacs pouvaient ainsi être parfumés à la rose ou à la fleur d'oranger, par exemple. Ce type de tabac était donc généralement plus onéreux que les tabacs à fumer. La consommation du tabac à priser devient un rituel très codifié et des traités en exposant les règles sont même publiés. Il existe deux types de tabatières, soit celles qui sont portatives et celles qui sont gardées à la maison. Puisque celles-ci sont faites dans un matériau plus fragile, elles devaient servir à conserver le tabac dans un lieu fixe, comme le bureau d'un officier.

Plusieurs auteurs associent ce type de contenant à la conservation du tabac, mais il est aussi généralement accepté que ce type de pot puisse avoir eu de multiples fonctions. Ils peuvent avoir servi à conserver des épices, des condiments, des médicaments ou des produits de toilette. Des bouteilles similaires, mais au col étroit, pouvaient même servir à conserver des sauces.

Le fragment de pot à tabac est mis au jour entre 1976 et 1978 sur le site du Fort-Chambly, situé sur la rive ouest de la rivière Richelieu au pied des rapides de Chambly, dans la municipalité du même nom. Au tout début de la colonie de Ville-Marie, les guerres franco-iroquoises (1643-1667 et 1684-1701) font rage et plusieurs établissements français sont attaqués. Afin de sécuriser la région montréalaise, les autorités françaises envoient dans la colonie le régiment de Carignan-Salières en 1665. Dès lors, ces militaires entreprennent la construction de cinq postes le long de la rivière Richelieu, correspondant aux forts de Sorel, Saint-Jean, Saint-Louis (Chambly), Sainte-Thérèse et Sainte-Anne. La rivière constitue alors une voie d'accès naturelle et efficace en provenance des colonies anglaises et de la région d'Albany. À l'issue de la signature de paix conclue à Trois-Rivières en 1667, la limite méridionale de la frontière est réduite à Chambly et les postes les plus au sud sont abandonnés. À la reprise des hostilités, d'importants travaux sont entrepris à Chambly et un nouveau fort y est construit. Après quelques réparations réalisées en 1693, le fort est incendié en 1702. Il est immédiatement rebâti en bois, mais devant les rumeurs persistantes d'une attaque anglaise, le fort est entièrement reconstruit en pierre. L'importance stratégique de ce poste ne se démentit pas tout au long du Régime français et le fort Chambly a chaque fois joué un rôle clé lors des divers conflits. En temps de paix, une garnison demeure tout de même au fort afin d'y assurer un contrôle du commerce illicite sur la rivière Richelieu.

Cet objet a été trouvé dans les latrines du fort. Ces latrines ont livré des objets de production française et britannique dans des contextes mélangés. Ces objets témoignent des dernières années de l'occupation française du site et du début de la présence britannique après la Conquête. Des contenants similaires ont également été trouvés à la forteresse de Louisbourg et dans la ville de Québec.

RÉFÉRENCES

DROUIN, Pierre et Mario SAVARD. Les pipes à fumer de Place-Royale. Collection Patrimoines, série Dossiers, 67. Sainte-Foy, Québec, Publications du Québec, 2000. 412 p.
FERLAND, Catherine, dir. Tabac & fumées. Regards multidisciplinaires et indisciplinés sur le tabagisme, XVe - XXe siècles. Québec, Presses de l'Université Laval, 2007. 240 p.
FRANÇOIS, Miville-Deschênes. Quand ils ne faisaient pas la guerre ou l’aspect domestique de la vie militaire au fort Chambly pendant le régime français d’après les objets archéologiques. Ottawa, Lieux et parcs historiques nationaux, Environnement Canada-Parcs, 1987. 113 p.
JONES, Olive R. et E. Ann SMITH. La verrerie utilisée par l'armée britannique de 1755 à 1820. Études en archéologie, architecture et histoire. Ottawa, Direction des lieux et des parcs historiques nationaux, Parcs Canada, 1985. 143 p.
MÉTRAUX, Maxime Georges, dir. et Annick NOTTER, dir. Chic emprise : culture, usages et sociabilités du tabac du XVIe au XVIIIe siècle. La Rochelle, Musée du Nouveau Monde / La Geste, 2019. 256 p.