Laboratoire d'archéologie du Québec
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Paroi de bol. Côté AImage
Photo : Émilie Deschênes 0, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Paroi de bol. Côté BImage
Photo : Émilie Deschênes 0, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

CeEt-9 > Opération 2 > Sous-opération G' > Lot 8 > Numéro de catalogue 2

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

La paroi de bol a été sélectionnée pour la collection archéologique de référence du Québec, car elle serait associée à l'occupation de la seconde habitation de Québec (1628-1632) et parce qu'elle témoignerait de l'incendie qui s'y est déroulé en 1632.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

La paroi de bol est liée à un récipient fabriqué en Chine. L'objet en porcelaine fine dure orientale semble partiellement moulé et est orné d'un décor peint à la main. Ce dernier orne les deux faces de la paroi et consiste en un bandeau vertical accompagné de différents détails tracés et peints. La paroi jouxtant le bandeau présente l'amorce d'un décor qui semble végétal. La peinture bleu cobalt est appliquée sur la porcelaine séchée, puis recouverte d'une glaçure incolore avant la cuisson. Bien que la porcelaine soit un type de céramique d'une dureté remarquable, la minceur de cette paroi de bol en fait un objet fragile et sensible aux chocs.

La fonction exacte de cet objet est encore inconnue. Son format suggère qu'il est utilisé pour la consommation ou le service des aliments, étant trop volumineux pour la consommation du thé. Au XVIe et au XVIIe siècle en Europe, ce type d'objet est si rare et si dispendieux qu'il sert le plus souvent d'objet d'exposition et de décoration. Les rois européens vont d'ailleurs ajouter leurs articles en porcelaine de Chine à leur cabinet de curiosités, avant l'aménagement de cabinets de porcelaine dans les châteaux. Le diamètre des bols de ce modèle varie entre 10 et 14 cm environ. Il en existe aussi de plus grands formats, mais leur forme et leur décor diffèrent légèrement. Ce modèle de bol est de forme circulaire, avec une paroi légèrement évasée vers le haut et un rebord qui présente un léger décrochement vers l'extérieur, dont le sommet est ondulé. Il repose sur un pied annulaire, dont le pourtour est souvent empreint de fin gravier.

Le décor comprend généralement de six à huit larges panneaux ornés d'un décor floral, chaque panneau étant séparé par un bandeau vertical orné de perles superposées à l'intérieur, et de cordons et autres à l'extérieur. Le fond interne est aussi décoré, mais est cependant moins élaboré. Le tesson de paroi conservé présente le décor en filet ainsi que les perles et un décor floral. Ce type de décor et de porcelaine est dit « Kraak » en néerlandais, désignant un navire de commerce qui servait au transport des épices et autres produits depuis l'Asie au XVIe siècle. Ce décor, typique des porcelaines de la fin de la dynastie Ming, débute vers le milieu du XVIe siècle et cesse peu après 1644, avec la chute de la dynastie.

La paroi de bol est mise au jour entre 1975 et 1976 sur le site de la seconde habitation, dans un niveau stratigraphique associé à la période précédant la construction de l'Habitation par Champlain. Ce premier établissement français permanent en Amérique du Nord est situé dans le secteur de Place-Royale, à Québec. La première habitation est construite en 1608 et abrite Champlain et ses compagnons jusqu'en 1620, année où elle est démolie pour faire place à la seconde habitation, un bâtiment en pierre qui est ensuite incendié en 1632. La paroi de bol, retrouvée dans le secteur de l'aile ouest du corps central de la seconde habitation, serait plutôt associée à l'occupation de cette dernière. Le fait qu'aucun autre objet de ce type ne soit retrouvé dans les niveaux antérieurs à 1608, mais qu'il s'en trouve dans les niveaux datés de l'occupation française de la seconde habitation, permet aussi d'évoquer la possibilité de l'intrusion d'artéfacts plus récents, dont ce fragment de porcelaine, dans un niveau plus ancien. Un autre tesson de rebord de bol semblable a été trouvé sur le site de l'Habitation, cette fois dans le secteur de la boucherie Parent, dans un contexte daté entre 1633 et 1688. Enfin, considérant la valeur monétaire et la rareté d'un tel objet au début du XVIIe siècle, il est presque impossible qu'il ait été utilisé et abandonné sur place avant 1608.

Le bol en porcelaine serait donc transporté à Québec, puis cassé et abandonné avant l'incendie de l'Habitation de Québec en 1632 par les frères Kirke. Le tesson, soumis à une source de chaleur élevée, a pris une teinte grisâtre.

RÉFÉRENCES

GENÊT, Nicole et Camille LAPOINTE. La porcelaine chinoise de Place-Royale. Collection Patrimoines, série Dossiers, 92. Sainte-Foy, Québec, Publications du Québec, 1994. 205 p.
L'ANGLAIS, Paul-Gaston. « Tome 4, volume 1 : Regards sur la vie des gouverneurs (1620-1834) ». CLOUTIER, Pierre, dir., Michel BRASSARD, Manon GOYETTE, Jacques GUIMONT et Paul-Gaston L'ANGLAIS. Fouilles archéologiques aux Forts et Châteaux Saint-Louis (1620-1871). Rapport de recherche archéologique [document inédit], Parcs Canada, 2012, s.p.
MOUSSETTE, Marcel et Françoise NIELLON. L'Habitation de Champlain. Collection Patrimoines, série Dossiers, 58. Sainte-Foy, Québec, Publications du Québec, 1985. 531 p.
PICARD, François-Dominique. Le magasin du Roy ou seconde habitation de Champlain, rapport de fouilles archéologiques, Place-Royale, Québec. Rapport de recherche archéologique [document inédit], Ministère des Affaires culturelles du Québec, 1976. 94 p.
PIJL-KETEL, C. L. van der, dir. The Ceramic load of the "Witte Leeuw" : 1613. Amsterdam, Rijksmuseum, 1982. 301 p.