Laboratoire d'archéologie du Québec
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Bague dite « jésuite ». Vue généraleImage
Photo : Alain Vandal 2017, Creative Commons 4.0 (by-nc-nd) Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal
Bague dite « jésuite »Image
Photo : Catherine Caron 2011, © Ministère de la Culture et des Communications
Bague dite « jésuite »Image
Photo : Catherine Caron 2011, © Ministère de la Culture et des Communications

PROVENANCE ARCHÉOLOGIQUE+

Provenance archéologique

BiFl-5 > Opération 1 > Sous-opération AP > Lot 2 > Numéro de catalogue 109

Contexte(s) archéologique(s)

Religieux

ÉVALUATION D'INVENTAIRE+

La bague dite « jésuite » fait partie de la collection archéologique de référence du Québec parce qu'elle est représentative des bagues découpées-assemblées à décor gravé et estampé au poinçon, un mode de fabrication peu répandu dans les collections archéologiques québécoises. Elle a aussi été choisie en raison de la rareté du type stylistique « double-coeur » au Québec.

SYNTHÈSES ET RÉFÉRENCES+

Synthèse historique

La bague dite « jésuite » est confectionnée dans un alliage de laiton à moyen titre de zinc, qui se caractérise par une couleur dorée rappelant l'or. En Europe, au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, cet alliage est particulièrement apprécié par les gens du peuple, qui ne sont pas autorisés à porter des bijoux en métaux précieux à cause des édits somptuaires et des conventions sociales. Cette bague est associée au modèle de bague découpée-assemblée à décor estampé au poinçon. Importé de France, ce modèle aurait transité par le port commercial de Bordeaux. Ce port commence à armer régulièrement des navires pour le Canada en 1671 et domine les échanges durant les deux dernières décennies du Régime français (vers 1740-vers 1760).

La mise en forme de la bague combine plusieurs techniques pour fabriquer la plaque et l'anneau, puis pour les assembler. La fabrication de la plaque s'effectue à partir d'une grande plaque de métal dans laquelle une petite plaque octogonale est découpée à la scie. La fabrication de l'anneau débute par la confection d'un fil. Celui-ci est obtenu en coulant une tige de métal dans une lingotière, puis en l'étirant par martelage ou par tréfilage à la filière. Le fil est ensuite courbé par pliage à l'aide d'une pince à mâchoires cylindriques ou par martelage sur un triboulet. La dernière étape consiste à assembler la plaque et l'anneau par brasage.

La décoration combine la technique de la gravure et la technique de l'estampage au poinçon. La première consiste à entamer la surface du métal à l'aide d'un outil tranchant, comme un burin ou une pointe-sèche. La seconde consiste à imprimer un motif en creux sur la surface du métal avec un outil, appelé poinçon, dont l'extrémité comporte un motif en relief.

Le décor de cet artéfact, connu sous le nom de « double-coeur », possède une connotation sentimentale. En Europe, aux XVIIIe et XIXe siècles, le coeur double symbolise l'amour partagé par deux individus. Il décore souvent les parures en métaux précieux offertes à l'occasion des fiançailles et du mariage. Une bague en alliage cuivreux ornée du même décor pourrait faire office de cadeaux galants pendant les fréquentations ou de présents échangés en guise de promesse de mariage au moment des accordailles. Par ailleurs, à l'époque des premiers contacts avec les Européens, plusieurs nations autochtones du nord-est américain considèrent le coeur comme le siège de la vie et du courage. Les parures décorées de ce motif sont très appréciées : elles permettent vraisemblablement d'accroître la force d'un individu ou d'évoquer sa bravoure.

En Nouvelle-France, la bague dite « jésuite » est un objet de parure porté à la fois par les Français et les Autochtones. Elle joue également un rôle important dans les relations franco-autochtones.

Cette bague est mise au jour en 2004 sur le site de la mission sulpicienne Saint-Louis de l'île aux Tourtes (1704-1727). À compter de 1710, la mission est doublée d'un fort de pieux, d'un corps de garde et d'une maison servant à loger une petite garnison militaire. La bague dite « jésuite » fait son apparition sur les sites archéologiques nord-américains après 1650 et perdure jusque vers 1770-1780.

RÉFÉRENCES

Archéotec inc. Île aux Tourtes, site BiFl-5. Campagne archéologique 2004, fouille de l'église de 1710. s.l. 2005. 146 p.
Archéotec inc. Île aux Tourtes. Interventions archéologiques 2006, BiFl-5. Rapport. Rapport de recherche archéologique [document inédit], Ministère de la Culture et des Communications/Ville de Vaudreuil-Dorion, 2007. 218 p.
MERCIER, Caroline. « "Jesuit" Rings in Trade Exchanges Between France and New France: Contribution of a Technological Typology to Identifying Supply and Distribution Networks ». Northeast Historical Archaeology. Vol. 40 (2011), p. 21-42.
MERCIER, Caroline. Bijoux de pacotille ou objets de piété? : les bagues dites « jésuites » revisitées à partir des collections archéologiques du Québec. Cahiers d'archéologie du CÉLAT, 34. Québec, Célat, 2012. 234 p.
MERCIER, Caroline. « La dérive stylistique des bagues dites « jésuites » : une thèse réévaluée à partir des collections archéologiques du Québec ». Archéologiques. No 26 (2013), p. 92-106.