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Au-delà des apparences : l’archéométrie ou la mesure du passé

Au-delà de leurs caractéristiques morphologiques ou esthétiques, qui permettent de les classer et de les identifier, les artéfacts, les écofacts et les sols archéologiques comportent une foule de données dissimulées dans leur composition ou observables à une échelle microscopique. Pour y accéder, l’archéologue fait appel à des spécialistes qui proposent différentes analyses approfondies, souvent développées et adaptées à partir de méthodes et d’équipements de disciplines scientifiques diverses (chimie, physique, sciences de la terre, biologie, etc.) : ce sont les analyses archéométriques.

1- Qu’est-ce que l’archéométrie ?

L’archéologie puise dans différentes disciplines scientifiques pour développer des méthodes d’analyses permettant d’interpréter et de dater les artéfacts et les sites archéologiques. La constitution de méthodologies permettant l’obtention de données quantifiables, qui sont adaptées aux besoins de la recherche archéologique, donne naissance à l’archéométrie.

L’archéométrie regroupe donc différents types d’analyses spécialisées, qui permettent de recueillir des données pour une interprétation et une datation des objets et des sites archéologiques de plus en plus précises. Enfin, puisqu’elle suit les avancées scientifiques et technologiques et s’y adapte, l’archéométrie est en constant développement.

2- Les analyses archéométriques

Les analyses archéométriques utilisent des méthodes et des équipements tirés de différentes disciplines, adaptés et appliqués aux sujets d’étude variés de l’archéologie. En effet, qu’il s’agisse d’examiner les restes trouvés dans le sol, la composition des sols, les composantes des matériaux, les stigmates observables sur les objets, et plus encore, ces analyses visent toutes à résoudre des questionnements archéologiques et à favoriser la compréhension d’un contexte ou d’un site archéologique à partir de données que l’on ne pourrait obtenir autrement.

Analyse des sols : L’étude de la composition des niveaux de sols, observables en stratigraphie, permet de reconstituer l’environnement dans lequel ont vécu les groupes humains ayant occupé un site archéologique ainsi que de mesurer l’impact des actions humaines sur l’évolution de l’environnement. L’analyse des sédiments révèle le type de dépôt (alluvion, ruissellement, remblai), son âge, les évènements qui ont modifié la morphologie du dépôt (activités agricoles, piétinements) ou sa composition chimique (activités humaines qui introduisent un agent chimique ou biologique dans le sol).

Quelques exemples : géomorphologie, sédimentologie, micromorphologie, pédologie.

Analyses de matériaux inorganiques : les propriétés physicochimiques des matériaux inorganiques utilisés par les humains pour la fabrication d’outils, d’objets usuels ou artistiques, ou encore de structures (fosses, murs, foyers, etc.) peuvent informer l’archéologue sur la provenance de la matière ou le traitement appliqué pour la transformer. Il sera alors possible de préciser les interprétations portant sur les sources d’approvisionnement, l’origine de l’objet, les réseaux d’échanges et les modes de fabrication. L’identification et la caractérisation de certains éléments présents dans la matière sont rendues possibles par des analyses microscopiques sur lames minces ou à l’aide d’appareils sophistiqués

Quelques exemples : pétrographie, analyses géochimiques, activation neutronique, fluorescence à rayon X, microscopie électronique à balayage.

Analyse d’écofacts : en plus des artéfacts, les fouilles archéologiques permettent de prélever des écofacts. Ce sont des vestiges organiques naturels, tels que des os, des graines, des restes d’insectes ou des coquillages, utilisés ou consommés par l’humain sans avoir été modifiés pour en faire un objet usuel, ou dont la présence témoigne d’activités humaines. L’analyse de ces vestiges permettra d’en apprendre davantage sur l’alimentation, l’hygiène, la santé, l’environnement, l’exploitation des ressources et les caractéristiques socioculturelles d’un groupe ou d’une société. Certaines analyses peuvent aussi permettre de dater le site ou de déterminer la saison d’occupation.

Quelques exemples : archéobotanique, carpologie, dendrochronologie, archéoentomologie, zooarchéologie, bioarchéologie, cémentologie, analyses biométriques.

Analyse de traces sur les artéfacts : des stigmates caractéristiques de différents types d’utilisation (chasse, dépeçage, traitement des peaux, moissonnage, préparation des aliments, travail de l’os ou de la pierre, etc.) peuvent être observables sur la surface des outils. L’observation et la reconnaissance de ces stigmates, grâce à des référentiels de traces obtenus par expérimentation, permettent de reconstituer les techniques de fabrication de ces artéfacts, d’interpréter leur fonction et de mieux comprendre la nature des activités pratiquées à l’aide de ces objets sur les sites où ils sont retrouvés.

Quelques exemples : Tracéologie.

Analyse de résidus organiques : l’utilisation d’objets dans le cadre de la vie quotidienne peut laisser des résidus sur la surface des objets ou à l’intérieur de ceux-ci. Ces résidus résistent parfois au séjour prolongé des artéfacts dans le sol et il existe des techniques d’analyse en laboratoire pour arriver à les extraire, à les identifier et à les interpréter. Ainsi, il est possible d’identifier l’espèce animale qui fut heurtée par une pointe de projectile ou les aliments cuits dans un récipient en céramique.

Quelques exemples : analyses d’ADN, analyses de résidus lipidiques, analyses protéomiques.

Analyses isotopiques et radiométriques : La proportion d’isotopes radioactifs varie de manière régulière, avec le temps, par rapport aux isotopes stables contenus dans un corps. Il est possible de mesurer cette variation, puisqu’elle répond à une loi de décroissance exponentielle appelée « demi-vie ». La demi-vie correspond au laps de temps requis pour que la moitié des noyaux de l’isotope perdent leur radioactivité. Les analyses fondées sur ce principe permettent de déterminer le temps écoulé depuis la mort d’un organisme et d’obtenir une datation absolue. Les datations radiométriques peuvent donc aider l’archéologue à établir le cadre chronologique d’un site archéologique, à l’aide de dates fournies par des organismes qui ont été apportés sur le site, puis consommés, transformés ou utilisés par ses occupants (charbon de bois, ossements, coquillages, etc.).

Quelques exemples : Datation au carbone 14, thermoluminescence, luminescence optique.

3- Des données archéométriques aux interprétations archéologiques : retrouver l’humain derrière les chiffres et les statistiques

Les analyses spécialisées génèrent une grande quantité de données brutes qu’il faut décoder afin d’en extraire des interprétations archéologiques. En d’autres mots, il faut traduire la donnée archéométrique en donnée archéologique. Retrouver l’humain derrière les chiffres et les statistiques exige de remettre en contexte les résultats. L’archéologue doit parvenir à établir des relations et des combinaisons significatives entre différents types de données obtenues par diverses analyses.

Ainsi, les données fournies par les analyses archéométriques doivent contribuer à enrichir notre compréhension de phénomènes humains, tels l’acquisition des matériaux, l’étendue des réseaux d’échanges, la diffusion d’idées et de technologies, l’hygiène, les habitudes alimentaires, les choix technologiques, les modes de subsistance, les schèmes d’établissement et beaucoup plus encore.

La combinaison des données issues de plusieurs types d’analyses dans la réalisation d’un projet de recherche archéologique permet de maximiser la valeur interprétative des vestiges qui composent un site archéologique ainsi que de caractériser des ensembles diversifiés (atelier de taille, campement, habitation domestique, site industriel ou artisanal, site de contact, transformation du paysage, pratiques alimentaires, etc.). Un archéologue a donc tout intérêt à cumuler et à combiner les données issues d’analyses spécialisées pour interpréter une collection ou un site archéologique. Ainsi, il pourra choisir de produire une étude pluridisciplinaire, multidisciplinaire ou interdisciplinaire.

4- Pluridisciplinarité, multidisciplinarité ou interdisciplinarité ?

Le recours à plusieurs types d’analyses spécialisées pour un même projet archéologique est certainement un bon moyen de maximiser les résultats. Or, il y a différentes manières de combiner et d’intégrer les données archéométriques associées à des disciplines variées dans l’optique de répondre à une problématique de recherche commune.

La pluridisciplinarité et la multidisciplinarité impliquent la participation de différents spécialistes qui travailleront chacun de leur côté à partir d’artéfacts, d’écofacts ou d’échantillons recueillis et sélectionnés par l’archéologue responsable d’un projet archéologique. Les données spécialisées sont ensuite utilisées pour compléter l’analyse et l’interprétation du site. Dans ce cas, les spécialistes ne sont pas impliqués directement dans l’élaboration et la résolution de la problématique de recherche. Ainsi, les différents spécialistes sollicités abordent l’étude suivant leurs méthodes respectives, dans un objectif de complémentarité.

L’interdisciplinarité implique quant à elle que les différents intervenants travaillent ensemble à toutes les étapes du projet de recherche, de l’élaboration initiale à la rédaction du rapport final. Les analyses archéométriques sont intégrées dès le départ à la problématique et à la méthodologie. Les spécialistes et l’archéologue responsable du projet devront travailler en commun à toutes les étapes, en synergie. En effet, ils adapteront leurs méthodologies aux objectifs spécifiques du projet et intègreront les données archéométriques à l’analyse et à la résolution de la problématique.

En somme, d’un côté, l’archéologue responsable du projet utilise les données qu’il a commandées à des spécialistes pour résoudre sa problématique de recherche, tandis que de l’autre, les spécialistes participent activement à toutes les étapes du projet de recherche et contribuent directement à l’élaboration de la méthodologie et à la résolution de la problématique. À l’heure actuelle, de plus en plus de recherches basées sur une approche interdisciplinaire sont initiées par des chercheurs bénéficiant d’une formation mixte en sciences humaines et en sciences naturelles.

Installations pour des analyses spécialisées aux Laboratoire d’archéologie de l’université Laval
Installations pour des analyses spécialisées aux Laboratoire d’archéologie de l’université Laval
Photo : Jacques Chabot 2019
Analyses tracéologiques sur une lame en silex.
Analyses tracéologiques sur une lame en silex
Photo : Jacques Chabot 2019
Vue d’un pétri avant le tri du matériel botanique (graines et charbons de bois), analyses archéobotaniques
Vue d’un pétri avant le tri du matériel botanique (graines et charbons de bois), analyses archéobotaniques
©GAIA, Anne-Marie Faucher 2016

5- Explorez différents types d’analyses archéométriques

Archeolab.quebec a sollicité des archéologues spécialistes pour présenter différents types d’analyses archéométriques qui sont à l’heure actuelle couramment utilisées en recherche archéologique au Québec. Vous pouvez accéder directement aux « Rubriques d’experts » de la série « Questions d’archéométrie » ou aux capsules vidéo de la section « Paroles d’experts » en cliquant sur le type d’analyse que vous souhaitez explorer dans le tableau suivant. Bonne lecture !

*Les différents contenus de la section « Rubrique d’experts » qui sont annoncés dans le tableau suivant ne sont pas tous disponibles actuellement, ils seront ajoutés progressivement.

Activation neutronique
  • Verre
  • Métal
À venir
Analyse d’ADN
  • Résidus organiques
À venir
Analyse des résidus lipidiques
  • Restes organiques périssables
Archéoentomologie
  • Restes d’insectes
Bioarchéologie
  • Ossements humains
À venir
Cémentochronologie
  • Dents
À venir
Géochimie et Pétrographie
  • Pierre et minéraux
  • Céramiques
Sédimentologie
  • Sédiments (sols)
À venir
Tracéologie
  • Outillage lithique
  • Outillage en os