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Soigner le corps et l'âme, au cœur d'une vocation : l'histoire des religieuses hospitalières du Monastère des Augustines de l'Hôtel-Dieu de Québec

Isabelle Hade, archéologue spécialiste en culture matérielle

Le rêve de la création d'un hôpital pour soigner les autochtones, et assurer leur conversion, et pour soigner aussi les rares colons présents en Nouvelle-France est celui de du jésuite Paul Le Jeune. Ce grand projet est entériné par Marie-Madeleine de Vignerot du Pont-de-Courlay, marquise de Combalet, future duchesse d'Aiguillon et nièce du cardinal de Richelieu. Elle porte son choix sur la communauté des Augustines de Dieppe et obtient alors une concession initiale de 12 arpents dans la Haute-Ville de Québec, aux abords de la rivière Saint-Charles. C'est le 1er août 1639 que trois jeunes femmes françaises débarquent à Québec pour établir cet hôpital. L'Hôtel-Dieu de Québec devient alors le premier hôpital en Amérique, au nord du Mexique. Les Augustines jettent ainsi les bases du système de santé actuel au Québec.

Ces religieuses hospitalières occupent le monastère de l'Hôtel-Dieu de Québec de manière continue depuis 1644, tout d'abord avec une maison de pierres à deux étages qui est construite dans la Haute-Ville de Québec. Par la suite, plusieurs bâtiments sont ajoutés dont la salle des malades, reliée au monastère par un chemin couvert, une buanderie, une cuisine, une sacristie, une église, une chapelle, etc., formant ainsi un important complexe hospitalier et monastique.

L'Hôtel-Dieu est un hôpital de type médiéval avec la présence d'une halle pour la salle des malades et d'une cour intérieure. Avec le temps, l'hôpital prend des airs plus classiques en damier avec l'érection des ailes du noviciat et du jardin. Un espace de nature est aménagé et revêt une grande importance dans le caractère hospitalier des lieux. Dès leur arrivée à Québec, les Augustines développent leur expertise d'apothicaire et, ainsi, leur autonomie face aux médicaments importés de France. Dans les jardins de l'Hôtel-Dieu, elles cultivent et utilisent des plantes médicinales.

De grands évènements viennent bouleverser la vie de la communauté. L'histoire retiendra la date du 7 juin 1755, où un important incendie entraine la destruction quasi complète des bâtiments, épargnant uniquement la maçonnerie des ailes du jardin et du noviciat, lesquelles sont reconstruites en 1756 et 1757. Il y a aussi le siège de Québec, où le monastère, peu touché par les bombardements, est réquisitionné par les soldats britanniques après la Conquête. Ces derniers cohabitent avec les religieuses de 1759 à 1784.

En 1825, l'hôpital est déménagé dans un bâtiment distinct. Conséquemment, les religieuses récupèrent l'entièreté du monastère qui sera réaménagé afin de répondre aux besoins de la communauté grandissante au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Parmi les modifications, le terrain occupé depuis trois siècles par le potager devient un jardin d'agrément en 1936 en vue du tricentenaire de l'institution en 1939. En 1955-1956, le site voit la construction d'un hôpital moderne qui fut intégré au Centre hospitalier de Québec en 1995. Les Augustines administrent l'Hôtel-Dieu-de-Québec jusqu'en 1962.

Les Augustines sont les fondatrices de douze monastères-hôpitaux. Leurs savoirs et leur dévouement ont permis de jeter les bases du système de santé actuel au Québec. Elles ont joué les rôles importants de propriétaires et gestionnaires d'hôpitaux, d'infirmières et de pharmaciennes, tout en participant à la vie économique et spirituelle des régions où elles ont œuvré.

Conscientes de cet héritage et devant la diminution progressive et le vieillissement des membres de leur communauté, les Augustines ont décidé de confier la sauvegarde de leur patrimoine culturel à la société québécoise en créant une fiducie d'utilité sociale. Cette fiducie met en œuvre des projets de mise en valeur et de reconnaissance du site. Le Monastère des Augustines est le gardien de collections d'archives et d'objets rares et uniques dont certains proviennent de fouilles archéologiques. Le Monastère des Augustines comprenant une aile où logent encore quelques Augustines, est également aujourd'hui un endroit offrant une expérience axée sur la santé holistique.

Le site patrimonial du Monastère-des-Augustines-de-l'Hôtel-Dieu-de-Québec est un des plus impressionnants joyaux du patrimoine québécois pour sa valeur historique comme témoin de l'importance des Augustines, l'une des communautés religieuses fondatrices de la Nouvelle-France. L'histoire de ces dernières est riche de près de quatre siècles d'existence à prendre soin de l'autre, tant au niveau du corps que de l'âme par l'alliance de la science médicale et de la spiritualité.

ARTÉFACTS DE CETTE FAMILLE
Quatre soeurs auprès des malades
« Quatre sœurs auprès des malades ». 1929
Fonds monastère des Augustines de l'Hôtel-Dieu de Chicoutimi, HDC-F1-N1-C1-3.6:5
Soeur Saint-Léandre en préparation de médicament
« Soeur Saint-Léandre en préparation de médicament », 1928 ou 1942
Fonds Hôpital du Monastère des Augustines de l'Hôtel-Dieu de Québec, HDQ-F5-I1,3/22:2.
Photographie de Mère Saint-Denis
Photographie de Mère Saint-Denis (Marie-Célanire-Eva Bernier) supérieure du monastère des Augustines de l'Hôtel-Dieu de Québec, assise à l'infirmerie, en compagnie d'une soeur Augustine. 1927
Fonds monastère des Augustines de l'Hôtel-Dieu de Gaspé, HDG-G1-M1,1/3:9.
Début de la fouille dans les voûtes
Intervention archéologique – Début de la fouille dans les voûtes. Ancien plancher du parloir (lot 7A1)
Artefactuel, 2012.
Fouille de la salle du tour
Intervention archéologique – Fouille de la salle du tour dans la portion sud-est du monastère (sous-opérations 9A et 9B).
Artefactuel, 2012.